Présentation du cours de sémantique 3

1) La sémantique compositionnelle
Ce cours est une introduction à la sémantique compositionnelle. Cette conception de la sémantique, qui est aujourd'hui la plus répandue en linguistique formelle, repose sur deux principes centraux :
- le principe de vériconditionnalité, selon lequel il est possible d'attribuer à une phrase une valeur de vérité (en général limitée à vrai ou faux)
- le principe de compositionnalité, selon lequel la signification d'une phrase est fonction de la signification de ses composants

Nous étudierons donc d'abord quels sont les apports de la conception du sens en termes de vérité :
- au problème de la détermination de la bonne formation sémantique d'une phrase (par exemple une phrase comme " les idées vertes dorment furieusement " est mal formée sémantiquement parce que nous ne parvenons pas à imaginer une situation dans laquelle elle serait vraie),
- au problème de la détermination des inférences correctes,
- au problème de l'ambiguïté sémantique (ambiguïtés de portée, ambiguïtés de re / de dicto notamment)
Pour cela, nous verrons comment attribuer des valeurs de vérité aux phrases déclaratives. Nous adopterons pour cela une procédure en deux étapes :
- d'abord une traduction des énoncés dans un langage formel (logique des prédicats du premier ordre, puis extension de cette logique)
- ensuite une évaluation des formules obtenues par rapport à un modèle.

Ensuite, nous nous baserons sur le principe de compositionnalité pour montrer comment on peut de manière systématique construire une formule associée à une phrase (sa représentation sémantique) à partir des représentations sémantiques de ses constituants. Si les phrases sont représentées par des formules (des propositions susceptibles d'être vraies ou fausses), en revanche, leurs constituants sont représentés par d'autres objets formels appelés des termes : " tous les étudiants lisent un livre " est susceptible d'être vrai ou d'être faux, en revanche " tous les étudiants " n'est pas quelque chose qui peut être dit " vrai " ou " faux ", il en est de même pour " lire un livre ", pour " lire " ou pour " livre ". Ces constituants auront donc comme représentations sémantiques des " expressions non saturées " (selon la terminologie de Frege), c'est-à-dire des expressions auxquelles il manque quelque chose pour que ce soit des phrases. Par exemple, à " tous les étudiants ", il manque un SV (par exemple " lisent un livre ") pour devenir une phrase complète. A " lit un livre ", il manque un SN (par exemple " Paul ") pour devenir une phrase complète. Ces expressions " à trous " seront représentées par des lambda-termes (selon les travaux du logicien A. Church (1903 - 1995)). Nous verrons qu'elles dénotent des fonctions, au sens mathématique du terme (eh oui, hélas, il faut un peu de mathématiques…). Le calcul qui permettra de les combiner ensemble pour obtenir des représentations sémantiques finales s'appelle le lambda-calcul. L'ensemble de cette démarche a été initié par le sémanticien et philosophe Richard Montague (1930 - 1971).

2) Les notions d'extension et d'intension
Richard Montague ne s'est pas contenté d'indiquer comment on pouvait donner un sens précis à la notion de compositionnalité via le lambda calcul, il a aussi proposé d'aller plus loin dans l'expression du sens des phrases, et notamment de tenir compte des ambiguïtés comme celles que l'on a dans des phrases comme Pierre cherche une licorne où deux lectures sont possibles : l'une, dite extensionnelle, pour laquelle il existe des licornes et Pierre en cherche une, l'autre dite, par opposition, intensionnelle, pour laquelle Pierre n'a pas de certitude sur l'existence d'une licorne, ce qui ne l'empêche pas d'en chercher une. Autrement dit, R. Montague a introduit le concept d'intension en sémantique linguistique. L'extension d'un terme (d'un nom par exemple) est l'ensemble des objets qui sont désignés par ce terme dans le monde réel. La notion d'intension suppose celle de monde possible : l'intension d'un terme est une fonction qui, à tout monde possible, associe un ensemble particulier d'objets qui sont désignés par ce terme dans ce monde-là. Par exemple, licorne ne désigne aucun animal dans notre monde réel, mais peut en désigner dans un monde imaginaire (un monde de fiction appartenant à un récit du Moyen-Age par exemple). " La Terre tourne autour du Soleil " est un énoncé vrai dans un monde " réel " qui est celui de nos connaissances scientifiques courantes acquises depuis Copernic, mais c'est un énoncé faux avant Copernic.
Nous aborderons donc ce concept d'intension et nous verrons qu'il peut avoir de l'utilité pour traiter les notions de temporalité (passé, présent, futur) et de modalité (il est sûr qu'il viendra opposé à il est possible qu'il vienne).

3) Quantificateurs généralisés et sémantique du groupe nominal
Les concepts introduits dans ce cours seront aussi mis en œuvre pour étudier de manière précise la signification de certaines expressions du langage comme les quantificateurs généralisés. Les quantificateurs généralisés sont les déterminants usuels utilisés dans la construction des groupes nominaux, comme : tous, plusieurs, quelques, un, la plupart, plus de la moitié de…, au moins cinq, pas plus de quatre, plus de … que de … etc.
Nous les traduirons sous forme de lambda termes d'ordre élevé et montrerons comment on peut évaluer les phrases dans lesquelles ils figurent par rapport à une situation donnée. Nous en profiterons alors pour dresses la liste de leurs propriétés les plus caractéristiques.

D'où le plan du cours suivant :

1- Sémantique de l'énoncé (rappels de notions déjà vues en sémantique 2 : valeurs de vérité, ambiguïtés, relations d'inférence)
2- Rappels sur le langage de la logique du premier ordre
3- Sémantique dénotationnelle : la notion de modèle
4- Représentation et typage des composants sémantiques
5- Expression de l'intensionnalité : temps, aspect et modalité
6- Les quantificateurs généralisés